Cas Pratique : Un réglement successoral complexe après la loi du 23 juin 2006

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Proposé par Jean-Marie DELPERIER, Notaire, Maître de conférences associé de la Faculté de droit de RENNES

Les faits

Monsieur MICHALON a quatre enfants Albert, Bruno, Charles et Dominique, tous majeurs et célibataires. Cependant, Albert n'a pas d'enfant, Bruno a trois enfants nés d'une union libre avec Mademoiselle de BEAUFORT, Charles n'a pas d'enfant et Dominique a deux enfants.

Monsieur MICHALON est un veuf heureux et fortuné. Il dispose d'un patrimoine composé essentiellement de valeurs mobilières, d'une valeur estimée d'environ 2.400.000,00 . Monsieur MICHALON a été sollicité par ses deux enfants Albert et Bruno qui désirent investir chacun dans l'achat d'un logement. Il a rencontré depuis le 1er janvier 2007, Me X, Notaire près de son domicile, qui l'a convaincu de faire quelque chose pour ses enfants sans rompre leur égalité dans le règlement futur de sa succession. Me X a conseillé de faire une donation en avance de part successorale à Albert et à Bruno de 500.000,00 , sans autre clause particulière.

Alors que la donation à Albert venait d'être signée, et avant de régulariser la deuxième donation à Bruno, Monsieur MICHALON a rencontré Me Y, Notaire dans la même ville, qui l'a convaincu de l'utilité d'introduire une clause de rapport en cas de renonciation dans la donation à Bruno. C'est finalement Me Y qui a reçu l'acte de donation en avance de part successorale à Bruno de même montant, avec clause de rapport en cas de renonciation.

Monsieur MICHALON vient d'être saisi d'une autre demande venant cette fois de son fils Charles pour l'aider à s'installer à PARIS. Or, l'achat d'un appartement bien placé suppose un budget sensiblement plus important, chiffré à 1.000.000,00 . Monsieur MICHALON qui ne sait rien refuser à son troisième enfant, a décidé de lui consentir une donation en avance de part successorale à hauteur de 500.000,00 et d'assortir cette donation d'un complément hors part successorale de 500.000,00 . Me Z., Notaire dans la même ville lui propose de régulariser une donation partage avec réincorporation des donations antérieures. Monsieur MICHALON a refusé car ses moyens financiers disponibles ne lui permettent pas d'allotir en plus sa fille. C'est donc une donation simple de 1.000.000,00 à Charles qui a été régularisée par Me Z. en dernier lieu dont 500.000,00 en avance de part successorale avec cette fois encore une clause de rapport en cas de renonciation, à hauteur de ces 500.000,00 , et le surplus de 500.000,00 étant donné hors part.

Ayant fait ainsi, il vient vous voir et vous demande de liquider fictivement sa succession future en indiquant spécialement ce qui arriverait si, comme il le craint, Albert, Bruno et Charles déjà gratifiés renoncent à sa succession et que les enfants de Bruno acceptent de le représenter.

Monsieur MICHALON vous précise qu'il dispose désormais d'encore 400.000,00 de biens divers et variés. En conclusion, vous exposerez le résultat de ce règlement successoral fictif si la donation à Albert avait comporté, elle aussi, une clause de rapport en cas de renonciation.

Proposition de solution

Le sujet proposé a pour objet de nous faire découvrir l'évolution des règlements successoraux après la réforme du 23 juin 2006, prenant en compte les nouveautés substantielles que sont la représentation des renonçants et les clauses de rapport en cas de renonciation. Le règlement de la succession de Monsieur MICHALON suppose de vérifier qu'aucune des libéralités consenties n'est excessive et sujet à réduction, puis de liquider la succession en vue du partage. Nous supposerons pour commencer que tous les enfants acceptent la succession (I) avant d'envisager la renonciation massive de trois des quatre enfants (II) et nous conclurons avec la variante.

I Situation successorale en cas d'acceptation de tous les enfants :

Nous commencerons par vérifier qu'aucune des libéralités consenties n'est excessive et sujet à réduction. Le schéma est alors bien connu et inchangé. Après avoir composé la masse de calcul de la quotité disponible, nous procèderons aux imputations.

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A .Sort des libéralités :

a) Masse de calcul de la quotité disponible :
Biens existants + 400.000,00 €
Passif (mémoire)
Réunions fictives :
1 – Donation à Albert + 500.000,00 €
2 – Donation à Bruno + 500.000,00 €
3 – Donation à Charles +1.000.000,00 €
Total de la masse de calcul =2.400.000,00 €
En présence de 4 enfants acceptant, la quotité disponible est de 1/4
Soit 600.000,00 €
Et la réserve globale est de 3/4 de la masse soit 1.800.000,00 €
distribuée individuellement chacun pour 1/4 de ces 3/4 soit 1/4
Une valeur de 450.000,00 €
b) imputations des libéralités :
LIBERALITES dans l’ordre chronologique RESERVE QD= 600.000,oo €
1 .Donation à Albert :
Montant à imputer 500.000,00 €
Donation en avance de part successorale
Imputation principale sur la part de réserve 450.000,00 €
Imputation subsidiaire sur la quotité disponible
Albert étant rempli de sa réserve -50.000,00 €
Quotité disponible résiduelle 550.000,00 €
2 .Donation à Bruno :
Montant à imputer 500.000,00 €
Donation en avance de part successorale
Imputation principale sur la part de réserve 450.000,00 €
Imputation subsidiaire sur la quotité disponible
Bruno étant rempli de sa réserve -50.000,00 €
Quotité disponible résiduelle 500.000,00 €
3 .Donation à Charles :
Montant à imputer 1.000.000,00 €
Donation en avance de part successorale pour 500.000,00 €
Et hors part pour 500.000,00 €
Imputation principale sur la part de réserve de la partie
en avance de part successorale 450.000,00 €
Imputation subsidiaire sur la quotité disponible de la partie
non imputée en avance de part -50.000,00 €
et imputation principale simultanée de la partie de la libéralité
consentie hors part -450.000,00 €
Quotité disponible résiduelle 0,00 €

Partie de la libéralité non imputée car non imputable du fait de l'épuisement de la quotité disponible : 50.000,00

Les donations consenties à Albert et Bruno s'imputent sans problème et ne sont pas réductibles. Par contre, la donation à Charles, ne pouvant s'imputer totalement, est donc réductible pour 50.000/1.000.000èmes. Le partage étant supposé intervenir dans le même temps du règlement successoral, nous retiendrons pour cette hypothèse une indemnité de réduction de 50.000,00 .

B .Liquidation et partage :

La masse à partager sera composée des biens existants évalués au jour de la jouissance divise choisie à une date la plus proche possible du partage.

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MASSE A PARTAGER

Biens existants au jour de la jouissance divise 400.000,00 €
Passif : mémoire
Rapports en valeur:
Donation à Albert en avance de part 500.000,00 €
Donation à Bruno en avance de part 500.000,00 €
Donation à Charles pour sa partie en avance de
part successorale 500.000,00 €
Réduction de libéralité :
Indemnité de réduction due par Charles au titre
d’un excès de la partie hors part de sa donation 50.000,00 €
Total de la masse à partager 1.950.000,00 €
Dont le quart revenant à chacun des enfants
Est de 487.500,00 €

L'exécution des rapports en moins prenant ne peut se faire qu'à hauteur de 487.500,00 . Le rapport des donations par Albert, Bruno et Charles excédent leur part, l'excédent de chaque rapport relativement à leur part, est dû par chacun de Albert, Bruno et Charles et devra donner lieu au versement effectif par chacun d'une indemnité de rapport de 12.500,00 , le surplus étant payé en moins prenant.

Charles devra en outre verser l'indemnité de réduction au titre de sa libéralité, de 50.000,00

II - Situation successorale en cas de renonciation à succession des trois enfants gratifiés :

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, la renonciation des trois enfants ne laissant qu'un héritier acceptant, aurait conduit à une dévolution simple de l'ensemble de la succession 1 à celui des héritiers qui aurait accepté. Celui-ci aurait en outre profité d'une réserve héréditaire majorée de 3/4 de la succession , l'ensemble des libéralités consenties aux renonçants devant alors être imputé sur un disponible inchangé 2 de 600.000,00 qui aurait abouti à un résultat très significatif :

* Albert aurait conservé sa donation sans avoir à verser une quelconque indemnité de réduction.

* Bruno aurait dû reverser une indemnité de réduction de 400.000,00 pour pouvoir conserver le bénéfice de sa libéralité.

* Charles aurait dû reverser l'intégralité de ce qu'il avait reçu...

Autant dire que Bruno et Charles avaient intérêt à accepter la succession sous peine de perdre « leur part ».

Depuis l'entrée en vigueur de la réforme, cette situation se trouve largement compliquée par :

L'introduction de la technique de la représentation du renonçant 3).

La variabilité à la fois du disponible et de la réserve de l'héritier acceptant au gré des renonciations.

L'introduction possible d'une clause de rapport en cas de renonciation dans certaines libéralités.

La principale difficulté réside dans l'articulation des règles du rapport. L'obligation au «rapport » de la donation consentie à l'héritier renonçant s'impose-t-elle à ses représentants, en cas de...

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