Les variantes procédurales de la délivrance des titres

AuteurJean-Luc Piotraut
Occupation de l'auteurDocteur en droit, Université Paul Verlaine-Metz
Pages81-90

Page 81

S'agissant des procédures de délivrances des brevets et des marques, les disparités de solutions sont susceptibles de toucher l'exigence de dépôt (section I), l'examen administratif (section II) ou encore les éventuels avatars de la demande (section III).

Section I L'exigence de dépôt d'une demande
Paragraphe I - Les organismes receveurs du dépôt
A - Aux états-Unis

Aux États-Unis, le seul organisme receveur des demandes de brevet et, au niveau fédéral, de marque est le United States Patent and Trademark Office (USPTO), l'Office américain des brevets et des marques. Créé en 1836, l'USPTO est aujourd'hui doté du statut d'Agence fédérale (rattachée au département du Commerce) et a son siège à Alexandria, dans l'État de Virginie.

B - En Europe

En Europe, les choses sont plus complexes compte tenu de la superposition des niveaux supranational et national pour ce qui concerne les procédures d'enregistrement en matière de brevets et de marques. Ainsi, en application de la Convention de Munich de 1973, les demandes de brevet européen peuvent être déposées auprès de l'Office européen des brevets (OEB), soit en son siège munichois, soit en son département de La Haye, tandis que, conformément au règlement (CE) nº 40/94 du 20 décembre 1993, l'organisme receveur des demandes de marque communautaire est l'Office de l'harmonisation dans le Page 82 marché intérieur (OHMI), ayant son siège à Alicante. Au niveau national, les demandes de titres allemands et britanniques sont à déposer respectivement auprès du Deutsches Patent- undMarkenamt (DPMA) et du UKPatent Office. Le premier, installé à Munich, dépend du ministère fédéral de la Justice d'Allemagne, tandis que le second, implanté à Newport (Pays de Galle), relève du ministère du Commerce et de l'Industrie du Royaume-Uni. Pour leur part, les titres français sont délivrés par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de l'Industrie. L'INPI, par le biais tant de son siège parisien que de ses antennes régionales410, est dès lors habilité à recevoir les demandes d'enregistrement de brevets et de marques. En outre, le dépôt d'une demande de brevet français est possible au « bureau des brevets » de chaque préfecture (en dehors de celle de Paris), tandis que le dépôt d'une demande de marque française peut être fait au greffe du tribunal de commerce (ou du TGI en tenant lieu) dans le ressort duquel le demandeur est établi ou domicilié.

Paragraphe II - La demande d'enregistrement

Quel que soit l'ordre juridique en cause, la demande d'enregistrement d'un brevet ou d'une marque exige le dépôt d'un dossier conforme aux prescriptions légales à peine d'irrecevabilité. La demande d'enregistrement révèle néanmoins quelques différences saillantes entre les systèmes.

A - Les spécificités de la demande américaine de brevet
1. - Admission des demandes provisoires

Le droit américain des brevets411 autorise le dépôt de demandes provisoires de brevet412. Uniquement composées d'une description et, le cas échéant, de dessins, ces demandes, qui ne sont pas examinées en tant que telles par l'Office des brevets, permettent à l'inventeur de prendre date en bénéficiant d'une priorité interne d'une durée maximale de douze mois. Ainsi, par une fiction juridique, une exploitation publique de l'invention pendant ce délai de grâce ne remettra pas en cause l'admission de la nouveauté de l'invention lors du dépôt de la demande « définitive » de brevet. Page 83

2. - Indication du « best mode »

Les lois européennes contiennent bien une exigence de suffisance de description de l'invention, mais, dès lors que cette dernière est réalisable au vu du texte du brevet, il n'est imposé nulle divulgation de la meilleure solution technique. Si bien que, d'une manière paradoxale, notamment à l'égard des inventions de procédé, la délivrance d'un brevet ne renseigne pas nécessairement sur l'ensemble des modalités concrètes de mise en "uvre de l'invention. Aux États-Unis, en revanche, le législateur contraint le breveté à faire état du « best mode »413. Cela signifie que la demande de brevet doit, non seulement divulguer l'invention de manière suffisante pour en permettre la reproduction par un homme de l'art, mais elle doit encore, à peine de nullité du brevet pour dissimulation, en indiquer la meilleure modalité de fonctionnement ou d'utilisation connue de l'inventeur au moment du dépôt de sa demande de brevet414. Le droit américain se refuse ainsi à conférer un monopole d'exploitation à un inventeur qui conserverait par-devers lui la meilleure modalité en se contentant d'en dévoiler une moins bonne415.

3. - Prestation de serment

Une autre particularité de la demande de brevet états-unienne tient à la prestation de serment en principe exigée de l'inventeur : le Patent Act oblige en effet ledit inventeur à déclarer sous serment, devant un officier public compé-tent416, sa conviction d'être à l'origine de l'invention objet du dépôt417. Ce serment est toutefois susceptible d'être remplacé par une déclaration écrite signée par l'inventeur ou, le cas échéant, par toute personne légalement autorisée à accomplir les démarches pour son compte. En outre, à condition de fournir une traduction en anglais, la formalité peut être accomplie dans n'importe quelle langue étrangère maîtrisée par l'intéressé.

B - Les déclarations relatives à l'usage des marques britanniques et américaines

S'ils font aujourd'hui découler l'acquisition de la marque de son enregistrement, les droits européens ont longtemps fait prévaloir l'usage, à l'instar de la solution encore en vigueur aux États-Unis. Toutefois, la persistance, même en Europe, d'un rôle non négligeable de l'usage à l'égard du droit de marque Page 84 s'illustre notamment dans l'obligation, inscrite dans l'article 32, § 3 de la loi britannique de 1994, faite au déposant de joindre à sa demande d'enregistrement une déclaration mentionnant l'usage déjà effectif de la marque pour les produits ou services désignés ou, à défaut, son intention sincère418 d'en faire un tel usage. En droit américain, hormis pour certaines marques détenues à l'étranger par des personnes ne résidant pas aux États-Unis, l'inscription au Registre principal de l'USPTO suppose pareillement la présence, dans le dossier du demandeur, d'une déclaration attestant, soit d'un usage effectif de la marque419, soit d'une intention sincère420 d'en faire un usage commercial421. Dans cette dernière hypothèse, le déposant aura en principe six mois422 pour attester auprès de l'Office des brevets, preuves à l'appui, de la mise en "uvre de l'usage annoncé sous peine de rejet de sa demande d'enregistrement423.

Section II L'examen administratif de la demande

L'octroi d'un brevet ou d'une marque représente toujours l'aboutissement de la procédure de délivrance du titre mise en "uvre par l'Office administratif receveur du dépôt. Or différentes approches sont à cet égard envisageables, allant du simple enregistrement des demandes régulières en la forme à la vérification de l'ensemble des conditions de validité du titre sollicité. La première solution présente l'avantage de conduire à une délivrance moins onéreuse et plus rapide du brevet ou de la marque, tandis que la seconde, plus aléatoire quant à son issue, est source d'une plus grande sécurité juridique du titre finalement octroyé.

La comparaison des systèmes en présence révèle que les examens pratiqués, en matière de brevets et de marques, par les Offices européens, français, allemand, britannique et américain se répartissent entre trois niveaux de contrôle.

Paragraphe I - Le système de l'examen complet

Le système de l'examen complet confère à l'Office le pouvoir de contrôler non seulement la régularité...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT