Contrats préparatoires à la vente d'immeuble et purge du droit de préemption

AuteurMarc Hérail
Fonction Maître de conférences à Faculté de Droit et de Science politique de Rennes I
Pages4-13

Page 4
@Introduction
1. Les contrats préparatoires à la vente d'immeuble constituent un domaine autonome dans le droit des contrats spéciaux. Nul ne songe véritablement à mettre en cause leur importance, tant l'accroissement des formalités impose un délai plus ou moins long aux parties, ainsi qu'au rédacteur de l'acte, pour parachever l'opération d'acquisition d'un bien immobilier. Le souci d'une réflexion plus approfondie, le désir d'une sécurité juridique accrue et, de manière plus générale, la maîtrise du temps par le biais d'un contrat préparatoire s'avèrent fréquemment une nécessité 1 . La principale difficulté réside désormais dans l'appréhension de la notion de contrat préparatoire 2 . Comme l'a très justement souligné M. Collart Dutilleul, le concept de contrat préparatoire ne revêt pas une réalité unique et précisément définie, et chaque auteur défend une conception proche du type de contrat qu'il entend analyser. Nous n'avons pas pour souci de relancer un débat qui a déjà fait l'objet d'études particulièrement éclairées, aussi nous contenterons nous de retenir comme définition du contrat préparatoire la convention qui « a pour but de préparer la réalisation de le vente, et pour effet d'engendrer des droits et obligations spécifiques de la vente » 3 .
2. Les parties disposent d'un arsenal fort complet de contrats préparatoires permettant une parfaite adéquation entre le but recherché par les parties et la technique contractuelle choisie. Nous exclurons néanmoins de notre étude les pactes de préférence et les contrats préliminaires à la vente d'immeubles à construire qui répondent à des aspirations particulières et ne stipulent pas un engagement ferme de vendre. Par voie de conséquence, seules demeurent les promesses unilatérales de vente, les promesses synallagmatiques de vente 4 et les ventes conditionnelles, chacune de ces conventions laissant le loisir aux contractants d'anticiper la vente définitive, tout en leur accordant par ailleurs le temps d'accomplir les formalités nécessaires à la validité de l'opération d'acquisition 5 .
3. La purge du droit de préemption est l'une des formalités dont le vendeur doit s'acquitter avant de « consentir » définitivement à la vente auprès de l'acquéreur qu'il a choisi. Il s'agit, ainsi, du droit reconnu à une personne publique ou une personne privée d'acquérir la propriété d'un bien lors de son aliénation par préférence à tout autre acheteur. Il est en pratique fréquent de lier vendeur et acheteur, tout en subordonnant la réalisation de la vente définitive à la purge du droit de préemption. La technique employée consiste alors à ériger le non-exercice du droit de préemption en condition suspensive 6 . Le mécanisme ne soulève guère de polémiques lorsqu'il est prévu dans une promesse unilatérale de vente, à condition d'en Page 5 faire une promesse conditionnelle et non une promesse de vente conditionnelle 7 . La promesse conditionnelle interdit, en effet, à l'acheteur potentiel de donner son consentement et donc de former le contrat de vente avant que le titulaire du droit de préemption n'ait exprimé sa volonté. Ainsi, la vente proprement dite ne peut en aucun cas exister avant la purge du droit de préemption. En revanche, cette condition suspensive suscite davantage de réserves lorsqu'elle est prévue dans une promesse synallagmatique de vente 8 , la purge du droit de préemption étant impérative lors de la conclusion de la vente 9 . On peut s'étonner à ce titre du décalage existant entre la pratique, largement confortée par la jurisprudence 10 , qui valide sans véritables hésitations cette condition suspensive, et la doctrine qui, de manière plus ou moins argumentée, conteste la régularité d'une telle convention 11 . Certes, les habitudes des rédacteurs n'ont jamais fait le droit, mais il n'est sans doute pas inutile de rechercher le point de rencontre entre théorie et pratique qui ne conduira pas nécessairement à constater une franche contradiction.
4. L'analyse implique certainement que soient déterminés au préalable les droits qu'il convient de protéger. Le droit de préemption est une règle d'ordre public qui ne saurait être remise en cause : la condition suspensive ne peut conduire à supprimer dans les faits la faculté de préempter. Dans le même temps, la protection à la fois du vendeur et de l'acheteur justifie la passation d'un contrat préparatoire liant les deux parties. Autrement dit, la formation d'un contrat préparatoire est une absolue nécessité, mais sa rédaction ne doit pas nuire au titulaire d'un droit de préemption sur le bien objet de la transaction. A dire vrai, la polémique relative à l'admission de la condition suspensive portant sur la purge du droit de préemption ne concerne pas tant la possibilité de rédiger un avant-contrat que la qualification de ce dernier 12 . Considérée par certains auteurs comme un élément de validité, l'absence de purge effective du droit de préemption s'oppose apparemment à la conclusion d'un contrat de vente, mais non à celle d'un simple « avant-contrat » 13 . Autrement dit, la seule question à laquelle nous tâcherons de répondre concerne la possibilité de conclure un contrat préparatoire valant vente, sous condition suspensive du non-exercice du droit de préemption 14 . Partant du postulat démontré que la promesse de vente sous condition suspensive du non exercice du droit de préemption ne souffre pas de nullité, il faut alors observer les difficultés qu'est susceptible de poser la défaillance de cette condition. Cette hypothèse implique que le titulaire du droit a exercé sa prérogative en exprimant sa volonté d'acheter. De prime abord, la situation est simple : la vente est conclue au profit du préempteur alors que la promesse initiale est anéantie. A cet égard, peut-on affirmer que cet anéantissement est absolu ?
5. Dans un premier temps, nous nous attacherons à vérifier la validité de la vente conclue sous condition de la purge du droit de préemption (I) avant de délimiter les conseils à prodiguer au rédacteur afin d'éviter certains inconvénients pouvant découler de la défaillance de la condition suspensive (II).
@I - Validité de la vente sous condition de la renonciation à préempter
6. L'opposition entre la pratique et les analyses doctrinales nous invite à rechercher les avantages de la qualification de vente conditionnelle. Cette qualification semble être, à certains égards, plus protectrice de l'intérêt des deux parties au contrat qu'un avant-contrat ne valant pas vente. Dans un premier temps, nous prendrons en considération les intérêts du vendeur et de l'acheteur initial, en analysant les enjeux de la qualification de vente conditionnelle (A). La nature particulière du droit de préemption fait toutefois entrer en scène une tierce personne, le titulaire du droit de préemption, dont il convient de préserver les prérogatives. A dire vrai, le préempteur n'est pas lésé du seul fait que la notification constitue une offre de vente (B).
A - La protection des parties par la vente conditionnelle
7. La purge du droit de préemption consiste à proposer la vente du bien au titulaire d'un « droit de préférence », ce qui implique que le contenu de la vente soit déterminé dans la mesure où la notification doit Page 6 comporter toutes les informations relatives à l'aliénation. Certes, d'aucuns pourraient objecter que le vendeur peut élaborer un simple projet de vente afin de figer l'objet de la notification. Si la solution n'est pas interdite, certains diront même qu'elle est la plus conforme à l'orthodoxie juridique, mais elle ne manquera pas de soulever des difficultés pratiques. En effet, la protection du titulaire du droit de préemption implique que l'offre qui lui est adressée ne soit pas moins favorable que les conditions profitant au tiers acquéreur. Dès lors que le vendeur n'est pas lié à un acheteur lors de la purge du droit de préemption, une négociation après purge du droit de préemption est toujours envisageable, conduisant éventuellement à minorer les prétentions du vendeur et obligeant alors à une nouvelle purge. Les différents partenaires auront perdu un temps précieux sans que soit définitivement réglée pour autant la question de la purge du droit de préemption. Par conséquent, dès lors que les conditions de la vente doivent être fixées avec le tiers acquéreur lors de la notification, la conclusion d'un contrat préparatoire subordonné à la purge du droit de préemption paraît nécessaire.
8. L'exemple des SAFER témoigne ainsi de l'obligation qui est faite de conclure un avant-contrat avec l'acquéreur. En effet, la notification doit comporter les éléments essentiels de la vente, à savoir la désignation précise du bien, le prix et surtout l'identité de l'acquéreur, cette dernière information étant nécessaire à la SAFER pour juger de l'opportunité de la décision de préempter selon l'article R. 143-4 du Code rural 15 . Cette exigence ne peut être respectée sans que soit conclue au préalable une promesse de vente.
9. La nécessité d'un contrat préparatoire n'impose toutefois pas la conclusion d'une vente sous condition du non exercice du droit de préemption, le rédacteur pouvant opter pour la promesse unilatérale de vente ou encore la promesse synallagmatique ne valant pas vente. Il est certain que l'emploi de ces techniques contractuelles met fin à toutes les hésitations, car ces conventions permettent de purger le droit de préemption, les parties étant liées plus ou moins fermement, sans que soit reconnue pour autant l'existence d'une vente manifestement impossible avant la réponse exprimée par le titulaire du droit de préemption 16 . Cette analyse condamne nombre de compromis de vente, qui ne sont en réalité que des ventes conditionnelles, tant la multiplication des droits de préemption imposera le plus souvent d'insérer cette purge dans le champ contractuel. Or, on peut douter que l'usage de la promesse unilatérale de vente ou de la promesse de vente ne valant pas vente offre les mêmes avantages que la...

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